Auteur: Mohamadou Fallou MBODJI, International Projects Lawyer, Paris Bar
Un principe commun aux législations pétrolières en Afrique est que les transactions portant sur les droits pétroliers sont soumises à un contrôle administratif préalable assorti d’un effet suspensif dont le non-respect est sanctionné par la nullité de l’opération et le retrait des droits du titulaire.
Néanmoins le régime du contrôle préalable est souvent marqué par des îlots d’insécurité juridique comme l’illustre, au Cameroun, la lecture combinée du nouveau Décret du 4 mai 2023 (ci-après le « Décret ») pris en application du Code pétrolier du 25 avril 2019 (ci-après le « Code pétrolier »).
1. Un périmètre imprécis.
En application de certaines dispositions du Code pétrolier, l’article 39 du Décret dispose en substance que tout contrat par lequel un titulaire transmet ou désire transmettre ses droits pétroliers est conclu sous la condition suspensive de l’approbation du Ministre chargé des hydrocarbures, sous peine de nullité de l’accord envisagé et de la déchéance des droits du titulaire.
La transmission est définie largement par le Code pétrolier comme « toute forme de transfert des droits et obligations du titulaire du contrat pétrolier, notamment par voie de cession, de mutation, de fusion et de scission », limitant ainsi le champ de l’approbation préalable aux seules opérations juridiques de transmission.
Pourtant, en tant que biens meubles incorporels, les droits pétroliers peuvent faire l’objet d’autres transactions, sauf interdiction légale, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
Toute la question est donc de savoir si l’approbation préalable a vocation à s’appliquer, par exemple, dans le cadre d’un apport en société, d’une sûreté, d’un financement par crédit-bail ou d’une amodiation.
Si en ce qui concerne spécifiquement la constitution de sûretés et le crédit-bail, on pourrait concevoir l’idée que le législateur camerounais ait voulu exclure implicitement l’application immédiate du régime de l’approbation préalable dans la mesure où de telles opérations n’entraînent la transmission des droits pétroliers qu’à terme, en cas de réalisation de la sûreté ou de levée de l’option du crédit-bailleur, il n’en est pas de même des autres transactions.
L’apport en société par exemple entraîne le transfert des droits pétroliers du titulaire au bénéfice d’un tiers (la société). L’amodiation quant à elle ne transfère pas la propriété des droits mais permet leur jouissance par un tiers (l’amodiataire), lequel dispose ainsi des gisements extraits en lieu et place du titulaire (l’amodiant).
L’on pourrait être tenté de retenir une interprétation large comme le suggère l’emploi de l’adverbe « notamment » dans la définition de la notion de transmission en considérant que le contrôle administratif préalable s’applique à toutes les opérations qui transfèrent ou qui sont susceptibles de transférer des droits pétroliers, quelles qu’en soient la nature ou la forme.
Ce raisonnement serait toutefois difficile à admettre au regard du droit commun des contrats applicable auxdites transactions.
En effet, l’approbation préalable constituant une restriction au droit de propriété des titulaires, son champ d’application doit être interprété de manière restrictive.
Il conviendrait en conséquence de s’attacher à la nature de l’opération envisagée, plutôt que son résultat. Or la transmission est juridiquement distincte de l’apport en société, de l’apport en garantie, du crédit bail et de l’amodiation.
Le régime du contrôle préalable de la transmission des droits pétroliers devrait donc pas s’appliquer à ces opérations.
Il résulte de ce qui précède que le nouveau dispositif camerounais de contrôle préalable des transactions afférentes aux droits pétroliers pèche par imprécision, laquelle peut constituer une source d’insécurité juridique pour les investisseurs.
Il est ainsi vivement recommandé aux sociétés pétrolières de prêter une attention particulière à la question de l’étendue de la cessibilité des droits pétroliers dans leur négociation avec le Cameroun mais également dans les opérations d’acquisition d’actifs pétroliers.
2. Un contrôle inutilement alourdi.
Certaines dispositions du Code pétrolier et de son Décret d’application laissent entrevoir un renchérissement maladroit et inutile du contrôle préalable.
Par exemple, l’article 39(2) du Décret dispose que « tout accord portant transmission de droits pétroliers est conclu sous la condition suspensive de l’approbation du Ministre chargé des hydrocarbures qui peut solliciter l’avis du Ministre chargé des finances à cet effet ».
L’article 20(1) du Code pétrolier quant à lui dispose que « tout contrat ou accord portant transmission de droits pétroliers est conclu après avis préalable du Ministre chargé des finances, sous la condition suspensive de l’approbation du Ministre chargé des hydrocarbures (…) » sous peine de nullité de l’opération envisagée.
Il résulte de la lecture combinée de ces deux dispositions un dédoublement inutile du contrôle préalable. L’intervention du Ministre chargé des hydrocarbures - lequel peut en outre solliciter l’avis de son homologue des finances - correspond parfaitement à la raison d’être du contrôle préalable. Ce qui rend dès lors inutile l’avis ex ante du Ministre des finances. Cet avis ex ante crée en outre un îlot d’insécurité, puisque sa violation est sanctionnée par la nullité absolue de la transaction envisagée.
3. Une suspension à durée indéterminée.
L’article 42(4) du Décret prévoit qu’en cas de transmission de droits pétroliers ou de changement de contrôle, le Ministre chargé des hydrocarbures dispose d’un délai de 90 j à
compter de la date de recevabilité de la demande d’approbation préalable, sans préciser le sort de la demande à l’expiration du délai légal.
Ce faisant le Décret d’application crée une source d’insécurité juridique d’autant plus préjudiciable aux sociétés pétrolières que la demande d’approbation préalable est suspensive et à peine de nullité, les transactions sur les droits pétroliers ne pouvant donc produire d’effet (même entre les parties) avant que l’autorisation administrative préalable ne soit accordée. La consécration du réputé approuvé ou de l’accord tacite aurait été plus judicieuse en termes de sécurité juridique.
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