Auteur: Esther Péronne NGO NYOBE BAYIHA, Juriste financier au Cameroun
La décision n°00000723/MINFI/DGI du 21 octobre 2022 relative aux modalités de mise en œuvre de la norme du Bénéficiaire Effectif au Cameroun, laissait déjà transparaitre la transposition des règles relatives au Bénéficiaire effectif au Cameroun.
Conformément au « Guide de mise en œuvre du standard du Bénéficiaire Effectif au Cameroun » annexé à cette décision, l’expression « Ultimate Beneficial Owners » en abrégé “UBO” désigne la ou les personnes physiques qui en dernier lieu possèdent ou contrôlent un client et/ou la personne physique ou morale pour le compte de laquelle une opération est effectuée. Elle comprend également les personnes qui exercent en dernier lieu un contrôle effectif sur une personne morale ou une construction juridique.
De nombreux instruments juridiques internationaux (Recommandations du GAFI, Standards du Forum Mondial en matière de Bénéficiaire Effectif et l’Initiative pour la Transparence dans les industries extractives) et communautaires (Réglementation CEMAC en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme) exposent l’obligation et la nécessité pour les Etats de prendre des dispositions nécessaires pour s’assurer de l’identification du bénéficiaires effectif dans toutes les transactions ou opérations.
Dans le paysage camerounais, la mise en œuvre de cette norme du Bénéficiaire effectif est consacrée au travers d’une nouvelle obligation fiscale à savoir : l’obligation de déclaration du Bénéficiaire Effectif qui trouve son fondement dans l’article L8 quinquies du Code Général des Impôts.
Cette déclaration suppose pour les personnes morales ainsi que les administrateurs des constructions juridiques (trusts et fiducies) de droit camerounais ou étranger établis au Cameroun, soumis ou non à l’IS ou à l’IRPP, d’identifier leur bénéficiaire effectif et de tenir un registre actualisé à cet effet.
Le décret n°2023/06801/CAB/PM du 27 septembre 2023 fixant les modalités d’application de l’article L8 quinties du Code Général des Impôts relatif à la transparence du Bénéficiaire effectif ( ci-après le «Décret du 27 septembre 2023 ») est le nid de la précision de la nouvelle obligation fiscale de déclaration des bénéficiaires effectifs par les personnes morales et les constructions juridiques au Cameroun.
Conformément au Décret du 27 septembre 2023, la mise en conformité à la nouvelle obligation fiscale de déclaration des bénéficiaires effectifs suit le cheminement suivant :
1) La détermination du bénéficiaire effectif
L’identification du Bénéficiaire effectif est fonction de l’entité (les sociétés, les Organismes de placement collectif de valeurs mobilières, les personnes morales autres que les sociétés et les OPCVM, les organismes à but non lucratif) et des constructions juridiques (trusts et fiducie).
Les règles d’identification du Bénéficiaire effectif varient en fonction des entités (les sociétés, les Organismes de placement collectif de valeurs mobilières et les autres personnes morales). Peuvent être considéré comme Bénéficiaire effectif au cas par cas :
Les personnes physiques qui en dernier lieu détiennent directement ou indirectement, conjointement ou non, 20% ou plus des parts du capital ou des droits de vote de la personne morale ;
Toutes les personnes physiques qui sont solidairement et indéfiniment responsable du passif compte non tenu de leur pourcentage des parts ou des droits de vote de la personne morale ;
Les personnes physiques qui contrôlent par tout autre moyen de fait ou de droit la personne morale ;
La personne physique qui occupe la position de dirigeant principal ;
L’ensemble des associés dans le cas des SNC ;
Les associés personnes physiques qui détiennent directement ou indirectement, conjointement ou non 20% ou plus des parts ou des droits de vote de la société soit qui exercent par tout autre moyen un pouvoir de contrôle sur la société dans le cas des SCS ;
L’ensemble des associés commandités en vertu du pouvoir de contrôle qu’ils exercent en tant que gérant de la société en commandite simple…
2) L’identification du Bénéficiaire effectif
Les Bénéficiaires effectifs d’une personne morale ou d’une construction juridique sont tenus de fournir par voie électronique ou à défaut par tout moyen laissant trace écrite, à la personne morale ou au administrateurs établis au Cameroun, les pièces justificatives requises dans un délai de 15 jours sur demande et de 30 jours en cas de changement de bénéficiaires effectifs.
Un document renseignant toutes les informations du Bénéficiaire effectif doit être tenu par les personnes morales et les constructions juridiques.
3) La tenue du registre interne des bénéficiaires effectifs
Les personnes morales soumises à l’obligation d’immatriculation, les personnes assujettis à la réglementation LCBFTP, les organismes de placements collectifs, les associations, les fondations ou tout autre organisme à but non lucratif établis au Cameroun, les administrateurs de constructions juridiques étrangères établis au Cameroun doivent identifier leurs bénéficiaires effectifs ainsi que ceux de leurs clients. Ils doivent tenir au Cameroun pendant toute leur vie un registre interne des bénéficiaires effectifs contenant des informations exactes et actualisés. Des vérifications doivent ainsi être faites sur l'exactitude des informations données. Les pièces justificatives doivent être également conservées.
4) La déclaration des bénéficiaires effectifs
Les personnes morales et les administrateurs ou gestionnaires des constructions juridiques sont tenus de déclarer à l’administration fiscale les informations relatives à leurs bénéficiaires :
Au moment de la souscription de leur déclaration d’existence ;
30 jours qui suivent leur constitution pour les constructions juridiques ;
Lors de la souscription de leur déclaration annuelle de résultat et dans les mêmes délais pour les personnes morales soumises à l’impôt ;
Dans les 45 jours à partir de la survenance qui rend nécessaire la modification des informations sur les bénéficiaires effectifs.
5) Sanctions
Conformément au Décret du 27 septembre 2023, tout manquement aux obligations d’identification, de conservation, de mise à jour et de déclaration relatif aux renseignements sur les bénéficiaires effectifs des personnes morales et constructions juridiques est passible d’une amende forfaitaire pouvant aller jusqu’à cinq millions (5 000 000) de FCFA.
De même les dépôts tardifs des déclarations et l’absence ou le défaut de mise à jour par les personnes morales et constructions juridiques du registre interne des bénéficiaires effectifs sont punis d’une amende d’un million (1 000 000) de FCFA.
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